Cela faisait deux ans que j'avais dit Au Revoir aux Tropilocos, la première bande avec qui j'avais sympathisé il y a maintenant 4 ans. Un Au Revoir pour un long voyage, parfois dangereux et difficile, aussi bien physique pour me rendre jusqu'en Colombie, qu'abstrait dans mon parcours pour devenir photographe. J'allais rencontrer les Maras, des groupes armés Colombiens. Ils m'avaient béni avec la vierge de San Juan et la Santa Muerte en espérant me revoir bientôt. Depuis deux ans, je n'avais pas pu leur donner de nouvelle et un beau jour, je suis repassé au quartier...
La bande reste fidèle à elle-même, simple, festive et accueillante. Certains sont retournés en prison, d'autres sont retombés dans la drogue, ou ont encore conservé leur travail qui leur permet de faire vivre leur famille. Un autre transporte la drogue pour les Zetas (le cartel qui contrôle San Luis), d'autres continuent à laver des voitures pour se faire un peu de sous. Leur accueil a été génial. J'ai pu leur raconter comment s'était passé mon voyage, puis les expositions en France, mon expérience à Paris, puis mon retour au Salvador.
En deux ans, j'ai pu me rendre compte de certains changements ou évolutions...
La Croyance envers la Santa Muerte
Le plus notable est la relation que la plupart de ces jeunes peuvent entretenir avec la Santa Muerte. Capu, le "papa" de la bande, a eu de sérieux soucis de santé. En en parlant autour de lui, on lui a dit que c'était probablement la Santa Muerte qui lui jouait des tours. Il s'est mis à lire la bible et s'est rendu compte que cette divinité serait en fait une incarnation du diable. Il a décidé de tout jeter: ses statues, posters, pendentifs, bagues, tout ce qui pouvait avoir rapport avec la Santa Muerte. Son état de santé s'est amélioré. Il a donc invité les autres membres de la bande à abandonner cette croyance maléfique pour se vouer au culte de San Judas Tadeo. La plupart l'ont suivi, plus que deux continuent à s'y dévouer. La Santa Muerte qui avait été peinte dans leur squat a été remplacée par un San Judas (à ne pas confondre avec le Judas traître de Jésus). San Judas, c'est le saint patron des causes désespérées, des maladies incurables aux situations économiques très délicates. San Judas produit des miracles et n'est pas maléfique comme pourrait l'être la Santa Muerte. Nouvelle mode ou pas, sur le marché, on trouve maintenant toutes sortes d'articles en son effigie juste à côté de la Santa Muerte ou d'autres vierges. San Judas est particulièrement vénéré dans les milieux populaires, dans les plus pauvres du Mexique, par des personnes pouvant ou devant parfois ou régulièrement enfreindre la loi pour survivre.
Capu a décidé de se tatouer un San Judas sur la hanche
pour le remercier de l'aide qu'il a pu lui offrir.
Dans le Squat, la Santa Muerte (ci-dessous) a été remplacée par San Judas (ci-dessus)
L'exposition photo
Il y a deux ans, avant de partir pour le sud, j'avais installé avec la bande une exposition dans une des pièces de leur squat. J'ai été agréablement surpris de voir qu'ils s'étaient appropriés l'exposition et qu'ils avaient même pendant mon absence rajouté des photos de leur dernier pèlerinage ou de la bande plusieurs années auparavant.
Les jeunes grandissent
C'est avec les plus jeunes qu'on se rend compte que le temps passe si vite. Beaucoup on bien grandi comme vous le montrent les photos ci-dessous!
Le fils de El Espidi tenant une photo de lui prise trois ans auparavant.
El Oscar avec ses ballons de boxe. Il y a deux ans, l'engouement pour la boxe était terrible, aujourd'hui, c'est vraiment beaucoup plus calme... Le matériel est là, mais les entraînements pour les jeunes ne sont plus du tout réguliers comme avant...
Le fils d'Arnold a lui aussi bien poussé! C'est l'enfant de la photo qui a tant choqué, son père ayant insisté pour que je le photographie avec une arme dans la main...
L'ennemi juré des Tropilocos a toujours été la bande du Callejon. Aujourd'hui, ces deux bandes du centre-ville de San Luis ne s'affrontent plus. Non, ils ne se sont pas vraiment réconciliés, mais ils ne se font plus la guerre... Il y a deux ans, le cartel des Zetas arrivait tout juste à San Luis Potosi. Aujourd'hui, ces derniers sont bien installés et contrôlent tout. Ils ont dispersé des "boutiques officielles" de drogues un peu partout dans la ville. Pour acheter leur marihuana, les Tropilocos doivent maintenant se rendre dans le quartier de leur ennemi juré pour trouver la fameuse boutique. Et interdiction de chercher des problèmes, sinon c'est le cartel lui-même qui s'occupe de faire régner l'ordre, en tuant ceux qui veulent se battre. Le cartel organise même des tournois de foot avec de superbes trophées à la clé dans l'objectif que les bandes se calment totalement. A San Luis, les bandes "familiales" ne font plus régner leurs lois, on est passé à un niveau supérieur, bien plus préoccupant et dangereux...
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