lundi 22 septembre 2008

Caracol Oventic, EZLN




Voici mon récit de mon périple dans le Caracol d'Oventic, près de San Cristobal. Pour un fois, il y a plus de texte, comme un petit résumé de l'EZLN et mon journal de bord durrant mes deux jours dans le Caracol. Ce coup-ci, le récit ne sera malheureusement pas traduit en espagnol, faute de temps.


A bientôt,


Peff



Le mouvement zapatiste

L’Armée Revolutionnaire de Libération nationale s’est fait connaître le 1er Janvier 1994 en prenant les villes de San Cristobal, Margarita, Ococindo, Altamirano et des bases militaires comme Rancho Nuevo. On a pensé que c’était des immigrés du Guatemala et du Salvador. Les gens ont pris peur. C’était en fait une armée du peuple, issue de la pauvreté la plus grande.

Avant 1994, différentes organisation luttaient pour le droit des peuples indigènes, comme la défense de la terre ou le logement. Avec cette lutte pacifique, ils n’auront obtenu que des morts ou des disparus. Cela fait plus de 500 ans qu’ils se font exploiter, chasser, discriminer. N’ayant plus d’alternative pacifique possible, les peuples indigènes créèrent l’EZLN pour rentrer en guerre contre le « Mauvais Gouvernement ». EZLN a vu le jour clandestinement dans la jungle de Lacandon en 1983.

L’EZLN est une organisation militaire, politique, économique, idéologique et religieuse. Les valeurs et les luttes de l’EZLN peuvent se résumer en ces quelques points : démocratie, liberté et justice, travail, logement, éducation, santé, alimentation, indépendante, paix et égalité entre tous.

En 1996 ont été signés avec le gouvernement mexicain les accords de San Andrès pour les « Droits et Cultures des peuples indigènnes ». Les engagement n’ont jamais été tenus par l’Etat Mexicain. Au contraire, après la signature des accords, 80 000 militaires ont envahi le Chiapas pour exterminer l’EZLN. Le 22 décembre 1997, des paramilitaires (issus de l’armée mexicaine) tuèrent 45 indigènes de la communauté d’Acteal, en majorité des femmes et des enfants. Ceci fut la réponse du « Mal Gobierno ».

En 1998, 1111 délégués de l’EZLN se rendirent à Mexico City pour un manifestation, puis ensuite 5000 s’y rendèrent. En 2000, 23 commandants sont allés au Parlement pour sensibiliser les députés.

Le 9 Août 2003, les caracols furent créés, remplaçant les Aguascalientes. C’est la manière des zapatistes de lutter contre le gouvernement en créant leur « Bon Gouvernement ». « Ici, le peuple dit et le gouvernement obéit », c’est ce qu’on peut voir à l’entrée du caracol.


Caracol Oventic, Jour 1

« Ce matin, je me suis levé tôt, mais je n’ai pas réussi à quitter San Cristobal, faute de passagers suffisants pour remplir le taxi. Je suis arrivé au Caracol vers 12h. Un homme avec un passe-montagne gardait la porte d’entrée. Il m’a emmené au centre de vigilance. J’ai montré mon passeport et expliqué la raison de ma venue. Un autre homme cagoulé m’a ensuite emmené au centre d’explication pour que deux hommes puissent me raconter l’histoire de l’EZLN, leur lutte. On m’a ensuite emmené à la Junta de Buen Gobierno pour avoir l’autorisation de rester ici deux jours.
Vers 14h, j’étais « lâché dans la nature ». J’ai fait le tour du caracol qui représente une rue principale bitumée avec des baraques en bois peintes de fresques multicolores de l’EZLN, puis en bas, un terrain de basket et une école… Des jeunes de communautés différentes vivent ici en pension. Les années scolaires sont mentionnées comme « Emiliano Zapata » ou encore « Ernesto Che Guevara ». Ici, on apprend le Tsotil, une langue indigène assez répandue dans la région. Le reste : des terrains d’herbe, boueux à cause de la pluie avec des crottes animales.
Discuter avec la population locale, ce n’est pas évident. La plupart parle très peu espagnol ou n’ose pas le parler. J’ai discuté avec quelques jeunes qui jouaient au basket. Discution superficielle avec beaucoup de « No sé » et de questions non répondues.
La Junta de Buen Gobierno m’a dit que c’est bien de parler avec les personnes du caracol, mais je ressens de grandes barrières dues par exemple à la langue, la culture et à ma différence. Je me sens un peu con d’être blanc, européen et différent.
J’ai eu l’autorisation de prendre des photos, mais seulement des fresques et des personnes cagoulées. Si je ne respecte pas cette règle, je risque de me faire expulser.
Je respecte donc cette règle, mais ici je me sens un peu seul au monde. J’ai certes rencontré des américaines que j’ai connues à San Cristobal, mais elles sont ici pour travailler. Je n’ai pas vraiment saisi ce qu’elles faisaient ici et je ne les ai pas revues.
J’ai failli repartir avec le dernier transport, mais en fin de compte, j’ai préféré rester, comme prévu initialement.
Du coup, j’ai parti une bonne partie de l’après-midi à monter et descendre la rue pour passer le temps, prendre les fresques en photo et tenter de communiquer.
Demain, j’aimerais bien prendre des photos de jeunes jouant au basquet (mais cagoulé !) et éventuellement assister à un cours de Tsotil.
Je suis assis sur le banc devant la Junta de Buen Gobierno. Mon sac est à l’interieur. Ce soir, je vais dormir dans une grande maison, ou plutôt un hangar avec le sol en terre battue. J’espère trouver quelque chose pour ne pas dormir à même la terre. Il fait grand brouillard, il pleut de temps en temps et la température est assez fraiche. Nous sommes environ à 2500 mètres d’altitude. Il y a pas mal de personnes autour de moi, mais personne ne parle espagnol. C’est dur d’être seul et de se sentir seul.
Il est 18h30. Un peu tôt pour se coucher. J’ai hâte que la nuit passe pour être à demain. Ne rien faire et attendre que le temps passe, c’est presque insupportable. Ecrire m’aide aussi à passer le temps.
Ici je suis bien largué. Même si on m’a appris le principe d’un caracol, je passe mon temps à attendre que rien ne se passe.
Oventic est un caracol administratif et culturel. Il y a donc pas mal de passage. Tous les jours arrivent des indigènes de communautés différentes pour participer à des réunions qui durent toute la journée. On y parle de tout, des problèmes aux solutions envisagées, ou comment cultiver sans pesticides. Demain, je vais tenter d’écouter un peu ce qui se dit, si c’est en espagnol. Beaucoup partent le soir pour revenir le lendemain.
Le caracol est donc un centre autogéré par et pour les communautés indigènes, les oubliés du Mexique. On n’y vit pas forcément, mais on peut y venir régulièrement. Le caracol est un camp de « l’Armée Zapatiste de Libération Nationale », un groupe armé indépendant luttant pour le droit des indigènes et contre le « Mauvais Gouvernement » (d’où leur « Buen Gobierno »).
Bon, pour terminer de passer le temps, je vais aller voir si la réunion est terminée, manger un truc et récupérer mon sac.
Manana sera otro dia!


Jour 2

Le brouillard épais est resté toute la nuit. La salle de réunion, ou plutôt le hangar en terre battue où j’ai dormi, laissait passer la nappe de brouillard du fait d’absence d’isolation. La pluie a fait vibrer le toit de tôle toute la nuit. Malgré la couverture que l’on m‘a prêté (qui sentait le mouton), mon duvet, mes deux pantalons et mes deux pulls, la nuit fut bien fraiche. A 21h, j’étais couché sur deux bancs de bois. A 2h du matin, je me suis réveillé espérant le levé du soleil, mais je venais à peine de passer la moitié de la nuit.
A 7h30, j’étais debout. J’ai plié mon hébergement de fortune et suis allé à la tienda cooperativa boire un café chaud et manger deux pains. Le brouillard est toujours là, mais il ne pleut plus. J’espère que le soleil va réussir à percer.
Je suis toujours aussi seul, mais je commence à m’y habituer. De toute façon, il ne reste plus que quelques heures avant de repartir pour San Cristobal. D’ici là, je vais tenter de communiquer avec la population locale et de faire des dernières photos que j’espère de qualité.
Je vais maintenant aller à l’école voir ce qu’il se passe. J’aimerais bien faire un ou deux portraits écrits. A voir donc si ca se peut…

Je reviens de l’école. Le « promoteur » (le maître est Dieu et le professeur est prophète, d’où le nom promoteur pour enseignant) principal m’a dit qu’il en avait parlé à la Junta et qu’aucun étranger n’avait participé à un cours, l’accès me serait refusé. Pour faire le portrait d’un jeune, idem, ou alors il faudrait que j’attende jusqu’à cet après-midi. Je n’ai pas envie de passer une demi-journée de plus seul à passer le temps inutilement pour qu’on me dise que c’est impossible.
Ici, l’étranger peut se promener dans le caracol, prendre les fresques en photo, mais parler avec les habitants est difficile. Pourquoi ? Je pensais que les zapatistes voulaient communiquer par rapport à leur lutte, mais ici je ne vois que le côté superficiel. Il faudrait du temps pour se faire accepter.
Le brouillard est retombé. Au loin, j’entends une tronçonneuse. Une classe fait une marche militaire sur le près du terrain de basket. D’autres jeunes n’ont pas cours et s’apprêtent, je pense, à rentrer dans leur communauté pour le week-end. Moi non plus, je ne vais pas tarder. Je vais tenter de faire un portrait d’une personne plus âgée, mais je doûte que cela soit possible…
Après avoir patienté plus d’une demi-heure, la Junta de Buen Gobierno m’a dit qu’il était impossible de faire un portrait de zapatiste. Bien dommage. J’ai discuté avec les gars du poste de vigilance que j’ai pu prendre en photo. Eux aussi viennent de communautés différentes et sont d’astreinte pour une semaine quand c’est leur tour. Le caracol brasse énormément de personnes. Ce matin, plus d’une 50aine d’indigènes de communautés différentes attendaient d’entrer dans la salle de réunion où j’ai dormi.
Je n’ai pas réussi à savoir ce dont il se traite lors de ces réunions quotidiennes qui durent toute la journée. Je n’ai pas le droit d’y participer. C’est soi-disant quelque chose « à part ».
J’ai attendu qu’un combi passe me prendre. Un peu avant San Cristobal, je me suis arrêté à San Juan Chamula, un village indigène. Aujourd’hui, c’est jour de fête : fanfare, pétards et grand marché. Ici c’est interdit de prendre des photos, car les habitants de Chamula pensent qu’on leur vole leur âme. Ici c’est pareil, je suis l’étranger. Pour demander quelque chose à manger, on ne me regarde pas dans les yeux et si on répond à ma question, c’est d’une voix timide. Cette situation m’exaspère. Mais je crois que si on ignore le blanc ou l’étranger, c’est que ce dernier a énormément abusé depuis plus de 500 ans, et qu’il continue de le faire… »


Mon premier rapport aux peuples indigènes

Il s’agit actuellement de mes premières rencontres avec les peuples indigènes. Mon intégration la plus facile a été avec les communautés des quartiers populaires de San Cristobal. Pour rentrer dans une communauté, que les habitants nous considèrent, communiquent avec nous, il faut être introduit par quelqu’un de la communauté. La culture au sein de la communauté n’a absolument rien à voir avec la notre et il est vraiment intéressant de pouvoir apprendre à la connaître. Dans le quartier où habitent Diego et Aurélie qui m’héberge, j’ai fait la connaissance de Veronica, qui vient d’une communauté et qui tient une cuisine économique. Je lui ai demandé si elle pouvait m’inviter dans sa communauté. On en a donc conclue que je pouvais la rejoindre aujourd’hui dimanche à 13h. J’ai bien galéré pour trouver le transport pour y aller. Nous avons pris des chemins de terre et le taxi collectif m’a laissé dans un tout petit village au milieu des champs de mais. J’ai cherché la maison de Veronica. En voulant demander des informations, certains habitants en me voyant venir, fuyaient dans leur maison et ne répondaient pas à mes appels. Ou alors, j’entendais des rires au loin. J’ai pu trouver la maison de Veronica, mais il n’y avait personne. C’est possible que son père n’ait pas accepté la venue d’un étranger pour sa fille et qu’elle ait été obligée de se cacher. J’ai fait un tour rapide de la communauté, mais je me sentais espionné de tous les bords, sans jamais voir les têtes, ou alors souvent se faire ignorer le « buenas tardes ». Ni modo, c’est sur que sans elle, je n’allais pas pouvoir faire grand-chose. Après 1h dans la communauté, j’ai décidé de rentrer vers San Cristobal, à pied. Un peu plus loin, un pick-up m’a pris en stop. Les deux gars venaient d’une communauté un peu plus loin. Ils étaient super sympas et on a bien discuté. Le conducteur a vécu plus de trois ans en Floride pour accumuler boulots de toutes sortes. Maintenant, il vend du bois. Au Chiapas, le salaire quotidien pour 8h de travail représente 70 Pesos, soit moins de 5 Euros.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bonjour
je suis prof d'espagnol et je parle souvent à mes élèves des zapatistes. Nous avons vu récemment un reportage sur oventic, mais les photos que vous avez prises des façades<;;; n'étaient pas dans le reportage, puis-je les utiliser en cours? comment puis-je les récupérer? merci de me répondre, si vous voulez je peux citer votre nom en tant que source...
cordialement
as levilain-clement

PEFF a dit…

Chère madame,

Merci de me donner vos coordonnées pour que nous puissions communiquer

Jean-Félix