mardi 14 octobre 2008

San Salvador Jour 1

Hola,

Aujourd'hui, j'ai réellement commencé mon travail de recherches sur les Maras. A 8h pétantes, j'étais à Fundasalva, un organisme qui aide les jeunes drogués à se désintoxiquer. Ils travaillent avec toutes sortes de personnes, et les pandilleros (gangsters) ne sont pas vraiment leur "cible". Le contact n'était donc pas fameux. J'ai ensuite filé à l'autre bout de la ville à Santa Elena pour rencontrer Vladimir Lara, le chef de la photographie du journal "La Prensa Grafica". Il m'a orienté vers une de ses collaboratrices, Nubia Ribas (qui a d'ailleurs remporté le premier prix de l'Alliance Française pour venir tous frais payés en France pour le festival de photojournalisme Visa Pour l'Image - Elle a travaillé pendant trois ans à reporter tous les assassinats de la ville, un travail un peu macabre, mais qui l'enchantait!). Elle m'a donné pas mal de contacts et je suis resté au journal sur internet et au téléphone jusqu'à 13h30 pour voir ce qui était possible de faire, en couplant les nouveaux contacts avec ceux que j'avais pu trouver préalablement.

J'ai conclu un rendez-vous avec Mauricio Castro qui travaille dans le quartier de Las Palmas, un quartier sous le contrôle du gang de la Mara 18. Il bosse avec les jeunes pour les réinsérer, mais l'association manque malheureusement de fonds... Il m'a fait visiter le quartier. J'ai pu faire des photos. Il m'a expliqué davantage son travail et la situation. Vers 17h, nous sommes allés voir un autre contact : le Père Pepe, qui est un espagnol qui travaille également avec des jeunes, mais ce coup-ci des membres de la Mara Salvatrucha, bande très rivale de la Mara 18 dans le quartier de la Iberia. Mauricio m'a gentiment accompagné dans ce quartier bien tendu. El Padre Pepe m'a un peu plus décrit ce phénomène très délicat des Maras.

Les Maras sont des jeunes qui ont été renvoyés des Etats-Unis. Ils vénèrent le diable, la terreur, et ceci est leur pouvoir. La situation est réellement très complexe. Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas d'explication scientifique ou sociale à ce phénomène et on suspecte le gouvernement d'être en dessous (ou en dessus) de tout cela. Rien n'est fait pour unir les bonnes volontés qui travaillent avec ces jeunes, au contraire, on évite qu'ils puissent communiquer entre eux. Le gang, ou la mafia, des Maras fonctionne en hiérarchie pyramidale. Pour faire quoique ce soit, il faut donc demander l'autorisation au Leader qui est en prison. Celui-ci a un téléphone portable. Il y a surement un autre chef au-dessus de lui. Le père Pepe m'a répété plusieurs fois que les Maras n'ont rien à voir avec une bande classique, comme celles que j'ai pu connaître au Mexique (ce sont des rigolos à côté). Ils sont bien pires et se mettre dedans peut engendrer beaucoup de complications. Il m'a assuré que si je voulais faire des recherches sur le sujet, politiques comme pandilleros m'utiliseraient pour brouiller les pistes. Il s’agirait d’un mouvement de grande échelle où même de grandes personnalités sont mouillées. Il y a aussi quelque chose de bizarre : sur certaines photos d'Isabelle Muñoz réalisées en prison, on peut voir de tatoué l'inscription "13 Sur", sur certains des deux gangs différents (18 ou MS13). Pourquoi ? Si un membre de la 18 mentionne le chiffre 13, il est très mal (mort), et vis et versa. Autre chose, en observant les tatouages photographiés, on peut voir beaucoup d'allusions au diable (pas la Santa Muerte qui est un « joujou », mais bel et bien le Diable) et le fait d'en être enchaîné. La photographe est maintenant recherchée par les Maras et se trouve en danger de mort. Il m'a aussi assuré que ce mouvement n'est pas dû á la guerre civile, aux familles explosées, mais provient bel et bien des Etats-Unis. Il y a donc des choses étranges là-dessous. Allez voir le reportage de Discovery Channel sur You Tube: il ne représente pas la réalité. Les jeunes ont roulés les journalistes qui ont voulu faire leur travail rapidement en ne racontant que des bêtises. Le personnel de Discovery Channel n'avait pas demandé l'autorisation aux grands chefs, mais avait juste offert deux caméras numériques aux jeunes du quartier.

Voilà les informations que j'ai pu obtenir aujourd'hui à chaud. Etant allé faire un tour au cyber, j'ai préféré les noter directement pour être sûr de garder une trace. Mais je ne pense pas le publier aujourd'hui, par simple mesure de sécurité. Demain, je retrouve Mauricio à 8h. Nous irons demander une autorisation pour pouvoir rentrer dans les prisons de la ville, puis nous irons dans un centre de réhabilitation pour drogués dans le centre ville et nous reviendrons au quartier de Las Palmas pour qu'il me fasse un historique un peu plus complet sur les Maras et pour peut-être rencontrer les jeunes du quartier.

Ici au Salvador, c'est tolérance zéro avec les Maras. Si un jeune porte un tatouage, même s'il est en cours de réintégration sociale, il va directement à la prison. Il y a deux ou trois ans, le quartier de Las Palmas comptait environ 40 membres du gang 18. 39 ont été mis en prison, les peines allant de 20 à 70 ans (cette action est une véritable bombe à retardement...). Il n'en est resté qu'un et celui-ci s'est chargé de recruter une vingtaine de nouveaux membres. En se promenant dans le quartier, on ne voit plus de graffitis (ou quelques-uns discrets) vantant la 18, par loi anti-pandilleros de l'Etat. Tout le quartier a été nettoyé, mais quelques-uns subsistent...
Au quartier de la Iberia, comme je le disais précédemment, ce sont les MS (Mara Salvatrucha) qui maîtrisent le territoire. On peut encore voir dans le quartier beaucoup de plaques de la MS. L'Etat y est encore en cours de "nettoyage". Ce que me disait le Père Pepe, c'est que ce sont d'autres pandilleros de la MS13 qui viennent garder le territoire, étant donné que les autres jeunes sont en prison.

Bref, aujourd'hui aura été riche en émotions ! On peut dire que j'aurai eu de la chance et j'espère que cela continuera. A voir que ce me réservera le jour de demain, pero siempre con cuidado...

A plus,

Peff

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